Retombées de Tchernobyl dans l'Est Des épinards au sanglier radioactif
Le nuage radioactif de Tchernobyl, qui a survolé l'est de la France en 1986, reste gravé dans les mémoires à cause d'épinards, de salades et de champignons contaminés, mais surtout de sangliers radioactifs découverts dans les Vosges dix ans après la catastrophe.
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En Alsace comme en Lorraine, où pratiquement aucune mesure n'est prise, les retombées de Tchernobyl ne se sont pas d'emblée fait sentir, contrairement à ce qui se passe de l'autre côté du Rhin ou en Italie où souffle un vent de panique. "Les autorités françaises de l'époque ont estimé que les conséquences sanitaires étaient trop faibles pour que des mesures particulières soient prises pour le public" au lendemain du 26 avril 1986, rappelle Michel Bourguignon, directeur général de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Alain Madelin, le ministre de l'Industrie, décide toutefois d'interdire en Alsace la consommation d'épinards alors que les ventes de lait frais ou de salades s'effondrent.
En Italie, on a interdit le pâturage des bovins laitiers, l'usage de l'eau de pluie pour les abreuver, la vente des fromages de chèvre et de brebis et celle des légumes à feuilles. Dans l'Est, les écologistes finissent par se mobiliser, organisant de grandes manifestations transfrontalières avec leurs homologues allemands, dont certaines réunissant plus de 10.000 personnes. La polémique enfle sur le fait que la population n'a pas été suffisamment informée et que les autorités persistent à minimiser le problème. Quelque 80 avocats du barreau de Strasbourg adressent même une lettre au président de la République pour dénoncer "les méfaits de la politique du silence".
Mais Tchernobyl finit par se rappeler au bon souvenir d'un petit village vosgien en novembre 1996. L'analyse de la viande d'un sanglier tué lors d'une partie de chasse sur la commune de Saint-Jean d'Ormont révèle un taux de radioactivité bien supérieur à 1.000 becquerels par kilo, alors que pour la commercialisation le taux ne doit pas dépasser 600 becquerels. Les sangliers se nourrissent notamment de champignons, intégrateurs puissants de radioactivité. "Il y a eu un petit vent de panique", se rappelle Christian Demange, toujours maire du village. Sur deux ans, trois sangliers radioactifs seront découverts.
L'Office de protection contre les rayonnements ionisants (Opri) prend l'affaire au sérieux et envoie deux camionnettes laboratoires pour rechercher les traces de césium 137, isotope radioactif émis par le réacteur ukrainien en feu dix ans plus tôt. 340 personnes sont testées en deux jours, sans montrer d'anormalité, selon M. Bourguignon qui à l'époque mène les tests sur place pour l'Opri. "Les volontaires s'asseyaient sur des fauteuils comme chez le dentiste et passaient au compteur", se souvient le maire. "Dans le gymnase c'était comme au marché, chacun apportait ses poireaux, ses champignons séchés, ses myrtilles pour les faire analyser". Les résultats n'ont rien donné d'alarmant.
De 1998 à 2005, la Direction des services vétérinaires des Vosges a ensuite effectué 271 prélèvements, allant des produits laitiers au miel. "Un seul champignon montait à un maximum de 290 becquerels en 1998", a indiqué le directeur départemental Philippe Singer. En 2002, un pharmacien de Neufchâteau, myco-écologue reconnu, a dirigé une thèse sur la radioactivité des champignons de la région et fait prélever 300 échantillons. Selon Jean-Paul Maurice, "six seulement dépassaient les 600 becquerels", dont un spécimen parasite de la truffe du cerf, très appréciée des sangliers.
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